lundi 23 avril 2018


Le cas Hamilton


Des enlèvements célestes d’animaux ont été aussi rapportés dans les annales du mystérieux et de l’extraordinaire. Comme ce cas datant de 120 ans que j’ai relaté pour la première fois dans mon livre : « Le Grand Carnage » en 1986 (pages 41 à 56) avec son épilogue qui laisse planer un certain doute.


Voleurs de bétail aéroportés en 1897
Les historiens sont formels : avant 1900, le ciel était encore le domaine réservé des oiseaux. Depuis un siècle, quelques monstres « plus légers que l’air » s’étaient bien élevés au-dessus du sol, énormes et stupides et, plus récemment, d’étranges chauves-souris (avions à vapeur de Clément Ader) avaient pu quitter maladroitement le sol mais on se demande encore aujourd’hui s’il y avait eu réellement vol ou simple « soulèvement ».

Et pourtant, si l’on en croit un journal rural américain, des voleurs de bétail aéroportés sévissaient déjà dans l’Etat du Kansas, en 1897. Et la machine volante de ces brigands, étant donné sa taille et sa surprenante maniabilité, évoque irrésistiblement un ballon dirigeable, lequel, certes, existe déjà dans l’esprit de ses inventeurs mais dont le premier prototype jamais construit doté d’une certaine « manœuvrabilité » n’est reconnu officiellement qu’en 1900...
 

C’est dans The Farmer’s Advocate du 23 avril 1897 que l’on trouve cette extraordinaire aventure arrivée à un fermier du comté Woodson, nommé Alexander Hamilton.

« L’honorable Alexander Hamilton est venu en ville mercredi dernier et il a créé une certaine agitation en annonçant avoir eu maille à partir avec un engin volant. M. Hamilton est un vieil immigrant et il a exercé, anciennement, des fonctions législatives (il fit partie de l’assemblée nationale américaine). Il est connu partout dans la région de Woodson, Allen, Coffey et Anderson. A notre reporter, il a raconté :

« La nuit de lundi dernier, vers 22 h 30, nous avons été réveillés par un bruit provenant de notre enclos à bétail. Je me suis levé en toute hâte croyant que, peut-être, mon chien bouledogue faisait des siennes. Mais, étant sorti sur le pas de la porte, je vis à ma plus complète stupéfaction un engin volant qui descendait lentement au-dessus de mon troupeau de bovins à environ 50 mètres de notre habitation.

« Ayant appelé mon commis Gid Heslip et mon fils Wall, et après nous être armés de haches, nous filâmes vers le corral. Pendant ce temps, l’engin avait doucement perdu de l’altitude au point qu’il n’était plus qu’à 10 mètres au-dessus du sol. Nous nous approchâmes à moins de 40 mètres. Il avait la forme d’un grand cigare de 90 mètres de long avec une nacelle en dessous.

« Celle-ci était constituée de panneaux de verre ou de quelque substance transparente, séparés par des bandes étroites faites d’un autre matériau. Il était violemment éclairé de l’intérieur et chaque détail était nettement visible. Il possédait trois lumières : l’une pareille à un immense projecteur et deux plus petites, une rouge et une verte. La plus large semblait susceptible d’être orientée dans toutes les directions.

« L’engin était occupé par les six êtres les plus étranges que j’aie jamais vus : deux hommes, une femme et trois enfants. Ils discutaient ensemble mais nous ne pouvions comprendre une syllabe de ce qu’ils disaient. Chaque partie du vaisseau qui n’était pas transparente avait une couleur sombre rougeâtre.

« Nous étions restés muets de stupeur et d’effroi et pourtant un bruit attira leur attention ; ils braquèrent alors leur projecteur vers nous. Dès qu’ils nous aperçurent, ils se tournèrent vers quelque dispositif inconnu et une grande roue d’environ 10 mètres de diamètre, qui était en rotation lente au-dessous du vaisseau, commença à vrombir, émettant le bourdonnement caractéristique du cylindre d’une écrémeuse. L’engin se déplaça aussi légèrement qu’un oiseau.

« Quand il fut juste au-dessus de nous, il sembla marquer un temps d’arrêt puis se dirigea en direction d’une jeune génisse de 3 ans, laquelle se mit à beugler et à faire des bonds comme si elle s’était entravée dans la clôture. En nous rapprochant, nous vîmes un câble d’environ un centimètre de diamètre, constitué du même matériau rouge, qui était relié au cou de l’animal et dont l’autre extrémité rejoignait le vaisseau.

« Chacun tenta de délivrer la pauvre bête mais sans aucun succès et c’est lorsque nous nous efforcions de trancher le filin que l’engin volant commença à se déplacer, entraînant l’animal et nous avec. Bientôt, il s’éleva et disparut au nord-ouest. Une fois rentré à la ferme, je ne pus dormir tellement J’étais traumatisé. Je me levai donc très tôt le mardi matin, enfourchai mon cheval et me mis en route dans l’espoir de retrouver la trace de mon animal. De guerre lasse, en soirée, je regagnai LeRoy où j’appris que Lank Thomas, qui vit dans le comté de Coffey à environ 5 à 6 kilomètres, avait découvert la dépouille, les pattes et la tête de ma génisse, dans son champ au cours de la journée.

« Pensant que quelqu’un avait tué une bête volée et jeté les restes, il les apporta à la ville pour identification, mais il avait été grandement dérouté de remarquer qu’aucune trace n’était visible sur le sol mou. J’ai rejoint mon domicile la nuit dernière, mais chaque fois que je cède au sommeil, je revois la chose maudite avec ses grosses lumières et ses occupants hideux. Je ne sais pas si ce sont des démons ou des anges ou autre chose, mais nous les avons tous vus moi et ma famille ainsi que l’engin volant. Je n’en sais pas plus. »

« Monsieur Hamilton ne semblait pas encore entièrement remis du choc causé par sa mésaventure et ceux qui le connaissent avaient la conviction qu’il était sincère dans chacune de ses paroles. »

Pour ajouter à la crédibilité du témoignage du fermier, le journal publia l’affidavit suivant signé par 11 personnalités proches de Hamilton qui se portaient garantes de son intégrité.

« Attendu qu’il y a et qu’il y aura toujours des sceptiques et des incrédules chaque fois que la réalité revêt l’habit de l’invraisemblable et sachant que certaines gens ignorants et soupçonneux douteront de la véridicité du récit ci-dessus, les soussignés font l’affidavit suivant : nous connaissons Hamilton depuis 15 à 30 ans, nous garantissons l’authenticité de son interview reproduite ici et nous sommes convaincus qu’il a décrit une expérience dont il a été réellement le témoin. »

Suivaient onze signatures de notables, du shérif au pharmacien...

Ainsi donc le cas Hamilton, cautionné 11 fois, offrait, à première vue, toutes les garanties de l’authenticité et on comprend aisément que, dès que les premières mutilations modernes de bétail furent rapportées, on se souvint de « l’aventure bien mystérieuse » survenue au Kansas dans la nuit du 21 au 22 avril 1897 où « un câble lumineux muni d’un nœud coulant était descendu d’un vaisseau volant pour kidnapper une génisse dont la tête, la peau et les sabots furent retrouvés à 5 km du lieu de l’enlèvement, le lendemain ».

On s’en souvint d’autant mieux que cette image d’un animal suspendu à quelque engin volant qui l’entraîne irrésistiblement vers le ciel figure au rang des clichés mythiques les mieux ancrés dans l’esprit des hommes.

« Les dieux de feu de l’ancienne Egypte emportaient les animaux dans les cieux, écrit T.R. Blann. Le peuple des fées faisait de même en Europe pour les bêtes et les animaux. »

Mais c’est en Amérique que cette allégorie a trouvé le terrain propice à un véritable enracinement obsessionnel. Les légendes des Indiens ne décrivaient-elle pas, déjà, « de grands oiseaux blancs de forme circulaire, descendus du ciel pour capturer les buffles de la plaine » ?

Les versions modernes de l’incident
Le 7 septembre 1956, donc dix ans environ avant que les premières mutilations de bétail soient signalées, en Idaho près de Twin Falls, trois hommes affirmèrent avoir observé un énorme objet en forme de soucoupe de quelques 60 mètres de diamètre qui, descendu au-dessus d’un champ à découvert, était venu s’arrêter près d’un jeune bouvillon. Avant que les témoins aient pu s’approcher, le vaisseau reprit de l’altitude et on ne revit plus jamais l’animal.

Étaient-ce donc les fils des voleurs de bétail déjà à l’oeuvre en 1897 qui perpétraient ces autres enlèvements ?

Il y eut bien d’autres cas semblables non seulement en Amérique du Nord mais au Brésil et même en Grande Bretagne.

Le 25 octobre 1970 en fin d’après midi, deux ouvriers bouviers brésiliens, Pedro Trajano Machado, soixante-six ans et Euripides de Jésus Trindade, vingt-trois ans, fils du premier, étaient occupés à soigner le bétail de la propriété « Palma Velha », dans le premier district de Alegrete (Palma).

Ils venaient de séparer du troupeau (18 bêtes au total) une vache de race Jersey et son petit veau qu’ils enfermèrent à part, quand ils remarquèrent qu’une certaine inquiétude semblait agiter les bestiaux. La vache meuglait avec insistance en direction de son rejeton.

C’est alors qu’ils virent ce dernier, hurlant de terreur, « suspendu en l’air sur une hauteur d’un mètre environ, se déplaçant parallèlement au sol (...) ». Les autres bovins continuaient à beugler, à mugir et à s’agiter, donnant tous les signes de la frayeur. Et soudain le veau commença un mouvement ascensionnel à la verticale, montant lentement...

Durant les trois à quatre minutes que dura ce halage, le veau resta les pattes pendantes dans une position toute naturelle sauf que ses sabots ne reposaient plus au sol. Et il disparut de façon soudaine « comme si un rideau l’avait intercepté » (1).

C’est à peu près à la même époque que deux policiers américains, sur une route isolée, aperçurent une vache ou un veau « flottant au-dessus d’eux à une altitude de plusieurs mètres ».

En mai 1973, toute une famille d’Américains assista à un enlèvement similaire sur une route du Texas, entre Webster et Alta Loma. Mrs Judith Doraty et quelques membres de sa famille dont sa fille Janet, roulaient en voiture au sud de Houston lorsqu’ils s’aperçurent qu’un ovni les suivait. Ayant stoppé leur véhicule, ils assistèrent alors à un spectacle ahurissant. Un veau, dans un pré voisin, semblait avoir été littéralement « aspiré » en direction de l’engin volant par l’entremise d’un rayon lumineux rempli de poussières et de particules.

Par un phénomène commun à nombre de « contactés », Mrs Doraty se trouva transportée - sinon elle physiquement, du moins se conscience - à bord du vaisseau où des petits hommes verts effectuaient des expériences sur le veau. C’est du moins ce qu’elle affirma juste après l’incident. Elle y ajouta des détails complémentaires quand elle fut « régressée » hypnotiquement par Leo Sprinkle à l’occasion du tournage du film « Etrange récolte », consacré aux mutilations de bovins sur le territoire américain.

Dans certains cas même, les voleurs aéroportés renoncèrent-ils à leur proie quand ils furent dérangés dans leur « travail » ?

« Les vaches nous réveillèrent à 1 h 30 du matin par des meuglements intempestifs le 24 septembre 1974, raconta Mrs Hoffman, robuste fermière de l’Iowa, au journal Lemars Daily Sentinel. Un veau hurlait comme si quelqu’un le maintenait à terre. Et tout le troupeau menait grand tapage, cette agitation bruyante rappelant celle que l’on constate lors d’un rassemblement des bêtes pour un chargement ou un examen vétérinaire.

« Nous discutâmes un moment de cette effervescence avec mon mari et les rapports récents de vaches mutilées et vidées de leur sang parus à la fin de l’été dans la presse locale nous revinrent en mémoire. Un jeune veau avait même été trouvé mutilé le week-end dernier dans le comté de Sioux.

« Malgré mes conseils de prudence, mon mari George voulut aller jeter un coup d’œil. Il descendit au rez-de-chaussée, alluma la lumière et sortit dehors tandis que je continuais de scruter l’obscurité à travers la fenêtre.

« Je le vis s’avancer vers le hangar à foin, en évitant les zones les plus éclairées. La pâture jouxte le jardin justement près de ce hangar. Il était à mi-chemin lorsqu’il se figea. Plus tard, il me rapporta que c’était précisément à ce moment-là qu’il avait vu la lumière. C’était illuminé comme une cabine de la taille d’une automobile et se déplaçait doucement.

« George resta là planté au moins cinq minutes sans faire un mouvement, le regard dirigé vers l’enclos. Et soudain, il n’y eut plus rien devant ses yeux écarquillés et les bêtes se calmèrent aussitôt. »

Le lendemain, le propriétaire de la ferme située à 7 kilomètres de Libertyville dans la commune Johnson, fit l’inventaire de son troupeau et il n’y trouva aucun animal manquant. Par contre, il repéra un demi-cercle brûlé au beau milieu de sa pâture.

Ces mystérieux voleurs qui, pour une fois, avaient dû renoncer à leur projet, ont-ils, depuis peu, ouvert une succursale en Grande Bretagne ?

En février 1978, l’hebdomadaire Runcorn Weekly News relata le témoignage de plusieurs personnes qui avaient vu, près de Frodsham, Cheshire, « une étrange structure volante couleur aluminium argenté s’emparer d’une vache dans une cage et l’emporter avec elle ».

Malgré tous ces témoignage concordants, par cet étrange processus de « contre-preuve » qui n’a cessé de discréditer l’ufologie aux yeux des scientifiques - on appelle çà le « paradoxe de Guérin » (2) - le cas Hamilton, consacré au rang de précurseur fameux des crimes abominables des mutilateurs aéroportés et, textuellement, de « premier rapport circonstancié sur des humanoïdes vus à l’intérieur d’un engin aérien inconnu qui mutilaient une vache », cette « pièce justificative » en quelque sorte de la constance du phénomène mutilatoire venu du ciel, s’est révélée en 1977 « le plus gros canular jamais découvert dans l’histoire des ovnis ».

Un énorme canular
En 1976, J.M. Rickard éditeur de la revue britannique Fortean Times reçut une lettre d’un de ses lecteurs américains lui signalant qu’au cours d’une recherche bibliographique dans des journaux locaux, il avait déniché un article qui jetait un jour tout nouveau sur le cas Hamilton.

L’hebdomadaire du Kansas, le Buffalo Entreprise, sûrement en mal de copie, avait réimprimé in extenso l’aventure de Leroy, le 21 janvier 1943. Le procédé n’était pas nouveau et il avait contribué à ce que l’histoire ne soit pas complètement oubliée dans la région.

Or, suite à ce remake journalistique, une lettre parvint à la rédaction du Buffalo Entreprise. Une lettre d’Ed F. Hudson qui, en 1897, était l’éditeur du Farmer’s Advocate de Yates Center. Et souvenez-vous, c’était dans cet hebdomadaire que fut publié initialement le récit d’Hamilton.

Voici le contenu tardivement révélateur de cette lettre :

« Je venais juste d’acheter et d’installer un petit moteur à essence - le premier, je crois, à parvenir à Yates Center - destiné à remplacer le dispositif manuel d’utilisation de ma vieille presse à imprimer Country Campbell. Tout était prêt pour le lancement. J’invitai un certain nombre de mes amis à venir voir tourner la machine dans mon atelier. Hamilton en faisait partie.

« A un moment, il s’exclama : - Avec cela on pourrait voler !

« L’histoire était lancée et nous l’avons publiée. Elle fut reproduite dans des journaux régionaux à plus forte diffusion, puis en Angleterre, en France, en Allemagne, avec parfois des illustrations faites au crayon. Il y eut aussi des centaines de demandes de renseignements émanant de toutes les parties du monde. Bientôt les premiers essais officiels de l’aviation furent entrepris mais j’ai toujours maintenu que l’inventeur de la navigation aérienne, c’était Alex Hamilton ».

A la lettre d’Ed Hudson était jointe une note de son fils Ben S. Hudson, éditeur lui-même du Fredonia Daily Herald, qui précisait que son père et Hamilton avaient « imaginé cette histoire au cours d’une de ces réunions du samedi tantôt qui était d’usage à l’époque ».

Mais le témoignage de l’éditeur Hudson, même si le fait qu’il soit passé inaperçu ajoute à sa crédibilité, ne constituait pas plus qu’une solide présomption en faveur de la duperie. C’est pourquoi, lorsque Rickard en eut connaissance, il s’empressa de faire parvenir une copie de l’article démystificateur à Jerome Clark, son homologue américain, éditeur adjoint de la revue Fate. Et ce dernier tenta de confirmer les dires d’Ed Hudson.

Pour cela, il fit paraître une annonce dans le Yates Center News du 16 septembre 1976, sollicitant l’aide de toute personne capable de lui apporter des informations complémentaires sur cette vieille affaire.

A. Hamilton, le roi des menteurs
Il reçut une réponse de Mrs Donna Steeby de Wichita, dans le Kansas, dont la mère âgée alors de 93 ans, Ethel L. Shaw, avait entendu l’histoire de la bouche même d’Alex Hamilton, ou du moins ce qu’il avait bien voulu en dire. Mrs Shaw, devenue un peu dure d’oreille, n’en avait pas moins gardé toute sa lucidité et sa mémoire. Aussi précisait-elle :

« Et comment que je me souviens de ce bel après-midi où, jeune adolescente, j’étais en visite au domicile des Hamilton et je discutais avec leur fille Nell quand M. Hamilton, de retour de la ville, entra dans la salle de séjour où nous nous trouvions. Il s’empara d’une chaise et presqu’aussitôt lança à la cantonade : - Tu sais Maman, je viens d’arranger une drôle d’histoire et je l’ai racontée aux gars en ville. Elle paraîtra dans l’Advocate à la fin de la semaine.

« Il semblait tout excité par ce qu’il avait fait mais Mrs Hamilton paraissait plutôt choquée et, plusieurs fois, elle s’exclama : - Pourquoi tu as fait ça, Alex, pourquoi ?

« Enfin nous les filles, nous ne prîmes pas au sérieux cette histoire. Pourtant, rentrée à la maison, je repensai à l’attitude de Mrs Hamilton. J’en parlai à mes parents. Ceux-ci me rétorquèrent que je ne devais pas prêter attention à cette histoire, pas plus qu’aux autres du même genre d’ailleur. » 

Interrompons quelques instants le témoignage de Mrs Shaw pour préciser ce que ses parents entendaient par « autres histoires du même genre ». 1897 fut marquée par la première grande vague d’observations de machines volantes au-dessus du territoire américain. Les pilotes humains de ces vaisseaux aériens eurent de nombreux contacts avec la population. Manifestement, les parents de Mrs Shaw n’avaient pas fait une telle rencontre...

« Il me semble, poursuivait Mrs Shaw, que certains hommes avaient formé un club appelé Ananias (club de menteurs). Ils se réunissaient pour parler de l’effet produit par leurs histoires. Oui, à ma connaissance, la club fut dissous après la fable du veau kidnappé. Je crois que quelqu’un coiffait tout cela et la famille Hamilton était dans le coup. »

Mrs Stebby précisait en outre que les hommes qui signèrent l’affidavit, tous des amis d’Hamilton, « savaient que c’était un mensonge, mais ils n’hésitèrent pas à entrer dans la danse pour s’amuser ».

En clair donc, Hamilton et Hudson et les cinq principaux personnages signataires de l’affidavit avaient organisé un club local de menteurs et le veau kidnappé constituait un de ces énormes mensonges dont ils étaient friands. Ils n’avaient certainement pas prévu l’ampleur que prendrait l’incident ni que, pendant près d’un siècle, ce serait celui dont tous les ufologues « devaient se souvenir », selon une expression de Jacques Vallée datant d’avant 1976. Dans son livre : « Le Collège Invisible », Albin Michel, collection Les Chemins de l’Impossible, 1975, page 161, il écrit que ce cas américain d’enlèvements d’animaux est « un des plus fiables » !

Jerome Clark, parallèlement à sa recherche de nouveaux renseignements, essaya de retrouver les descendants vivants de la famille Hamilton, le principal protagoniste, Alex, étant décédé en 1912. Il apprit ainsi qu’en 1977, seulement un membre de la famille vivait encore à Yates Center et c’était Mrs Elisabeth Hamilton Linde, la fille de Wallace Hamilton - témoin présumé lui aussi de l’extraordinaire enlèvement - et petite fille d’Alex.

Il la contacta et se trouva en présence d’une très gentille vieille dame de 72 ans qui lui raconta que, dans la famille, on n’avait pas cru très fermement à la véracité de l’histoire de son grand-père. Surtout que ni lui, ni son fils Wall ne l’avaient jamais véritablement entérinée en la narrant par le menu. Les échos qui leur parvinrent des développements de l’affaire les amusaient comme s’il s’agissait d’une « légende familiale ».

Tous savaient, bien sûr, qu’Alex avait une imagination débordante mais quand J. Clark demanda à Mrs Linde son avis sur la question, elle hésita à se prononcer et s’en tira par une pirouette.

« C’était peut-être vrai ou alors c’était un mensonge... »

Et plus tard, lorsque le sujet des avions et des ovnis fut abordé, elle rajouta : « En tout cas, ce que mon grand père avait raconté est devenu réalité et pourtant ce n’était pas évident à l’époque. C’est cela qui est intéressant ».

Jerome Clark parla de Mrs Shaw à Mrs Linde et celle-ci confirma les liens d’amitié qui liaient en ce temps, là Miss Ethel Howard - nom de jeune fille de Mrs Shaw - à Nell, la fille d’Alex. Quant aux affirmations de Mrs Shaw, elles suscitèrent la réponse suivante : - Si elle vous a dit ainsi, c’est que cela a dû être ainsi.

Donc, si les témoignages de l’éditeur Hudson et de Mrs Shaw condamnaient sans appel le menteur Hamilton, Mrs Linde, pour sa part, se refusa à répudier définitivement la légende familiale.

Le désappointement desufologues
Suite à son enquête, Jerome Clark fut amené à se poser un certain nombre de questions, la plupart suscitées par des ufologues déçus qui décrétèrent « que l’explication de la mystification était une mystification elle-même » et qui lui firent savoir vertement.

Tout d’abord, peut-on rejeter les possibilités de collusion entre M. Hudson et Mrs Shaw ? Oui, répond Clark et pour des raisons de bon sens : décalages dans le temps et dans l’espace. D’autre part, « il est extraordinairement improbable que Mrs Shaw et M. Hudson puissent avoir menti tous les deux sur cette affaire. Quels auraient pu être leurs motifs ? »

Il a été avancé aussi que la révélation du canular avait pour but « de laver le nom de la famille Hamilton ». Il y a bien des objections à cette hypothèse. Premièrement, « c’était bien trop tard pour le faire », même en 1943. Alex Hamilton était disparu depuis 30 ans. De plus, pourquoi fut-ce Mrs Shaw (avec laquelle Mrs Linde n’entretenait aucun contact) et le défunt Hudson qui ont tenté de blanchir les Hamilton et pourquoi pas un descendant direct tel que Mrs Linde qui, elle, souhaitait manifestement encore « croire » en l’incident ? Surtout qu’en « réhabilitant » le nom des Hamilton, on chargeait joliment le patriarche de la famille en le reléguant au rang de menteur professionnel.

Une autre bouée de sauvetage à laquelle se raccrochent certains soucoupophiles, c’est le fait que A. Hamilton n’a pas vraiment avoué sa trahison devant Ethel Howard (Mrs Shaw). A cela, J. Clark répond : - Pas valable! Primo, l’histoire n’a jamais eu pour Alex plus d’importance qu’une bonne plaisanterie et finalement elle n’a été prise au sérieux que par les médias et leurs lecteurs.

A l’intention des passionnés, « qui ont une foi inébranlable dans le cas Hamilton et qui ont vu dans sa démystification le début d’une entreprise de grande envergure pour tous les autres cas », nous pouvons nous-mêmes apporter le fruit de notre réflexion. La dénonciation du cas Hamilton en tant que farce est d’autant plus sérieuse, à notre sens, qu’elle fut l’œuvre des ufologues eux-mêmes, lesquels, à priori, ont intérêt à prolonger le mythe. John Keel, maître ès ovni, quand Jerome Clark lui confia sa conviction du coup monté, reconnut son embarras devant ce qui lui avait paru l’incident le plus circonstancié de 1897. Mais il admit que si tel était le cas, « nous devrons sérieusement remettre en question les autres cas ».

En outre, J. Clark, avec qui j’ai été personnellement en contact pour la rédaction de ce livre : Le Grand Carnage (1986), n’est pas du tout un démystificateur chevronné. Il est, selon sa propre expression un « fortéen sceptique » (3).

N’a-t-il pas écrit : «  Le temps est venu pour nous, chercheurs en ufologie, d’accepter que nous avons été trompés par l’histoire d’Hamilton. L’épisode a été publié comme un rapport authentique et des milliers de gens, de par le monde, l’ont pris comme tel. Cela lui a conféré une réalité phénoménologique et, tricherie ou pas, il est conforme à un scénario classique ancien et moderne dans les mythes et dans les faits pour ce qui est des enlèvements et des mutilations d’animaux.

« Nous commençons à nous apercevoir, en ufologie, que les mystifications font partie intégrante du phénomène au même titre que les cas réels. Tenons-nous sur nos gardes, sinon, dans notre zèle, nous jetterons le bébé avec l’eau du bain ».

Dans une lettre datée du 12 septembre 1980, il affirmait : « Il n’y a absolument aucune chance, selon moi, que l’histoire d’Hamilton soit vraie. La preuve que c’est une supercherie est accablante ».

Et pourtant, cette année-là, l’affaire avait subi un rebondissement spectaculaire.

Et si le menteur avait dit vrai ?
L’épilogue au cas Hamilton que nous vous proposons est en accord avec le mécanisme ufologique si frustrant qui dit que tout fait ou toute loi, une fois démontrée, est aussitôt réfutée par les observations suivantes. Ici, c’est le contraire qui se passe, vous l’allez voir.

En 1977, il était donc confirmé par plusieurs sources que l’image du bovin capturé par un engin volant était née dans l’esprit d’un farceur invétéré, lequel avait pensé à monter cette imposture en voyant tourner un des premiers moteurs à essence aux Etats-Unis en 1897.

Dans l’hypothèse où Alex Hamilton avait affabulé et où la description de l’enlèvement du veau était le fruit de son imagination, il était complètement inutile de chercher si, dans la réalité, son engin volant voleur de bétail avait été repéré dans quelque autre région de l’Amérique. Par contre, si le cas Hamilton n’était pas isolé à l’époque, cela irait dans le sens de sa réalité, mais puisque l’épisode de Leroy était l’œuvre d’un club de joyeux plaisantins, le cas devait être unique en son genre et il était stérile de rechercher dans les annales du mystérieux du début du siècle quelqu’autre témoignage des méfaits de voleurs de bétail complètement imaginaires.

Or, coup de théâtre en 1978 ! Howard Gontovnick, de l’organisation d’enquête sur les ovnis d’UFO Canada, au cours d’un travail de collecte de rapports sur les observations d’objets volants non identifiés, découvrait dans le Minonk Dispatch, du 20 mai 1897, un petit hebdomadaire du centre de l’Illinois, un article intitulé « Un objet aérien vole un jeune bœuf » qui semblait décrire une nouvelle exaction du même groupe de voleurs aéroportés.

« Un clochard, logé à la prison l’autre nuit, raconta aux hommes de garde qu’un engin volant avait enlevé un jeune boeuf dans une ferme du comté Peoria. Le vagabond s’était arrêté pour la nuit chez les Geisert. Il prétendit avoir été réveillé par le mugissement d’une vache. Se précipitant au dehors, il vit un gros objet avec des lumières brillantes qui planait au-dessus du corral à bestiaux. Geisert et son fils se ruèrent vers l’enclos avec des haches en hurlant. L’engin se déplaça traînant un jeune bœuf de 2 ans attaché à une corde. Le lendemain, Geisert trouva la peau de l’animal à 10 km au sud-est. Selon son témoignage, l’objet avait 100 mètres d’envergure. Trois hommes et femmes et 2 enfants étaient à bord (sic). Un des hommes tenait un accordéon et en jouait. Exactement Comme je vous vois ».

Ce récit était paru pour la première fois dans un petit journal de Pekin, Illinois, le Pekin Times disparu depuis longtemps. Et par la même occasion, on apprend que le texte de Hamilton avait été publié le 21 avril 1897 dans le Saint Louis Democrat, soit 2 jours avant sa parution dans le Yates Center. Cela, ni Ed Hudson ni Mrs Shaw n’en ont pipé mot.

William Retoff, dans la revue Beyond Reality de mai/juin 1980, s’amuse à dégager les points communs des deux récits. Et ils sont nombreux en effet.

« Le trio de témoins dans l’incident du comté Peoria sont réveillés la nuit par le meuglement des vaches ; similairement, c’est un bruit provenant de l’enclos à bétail à environ 10 h 30 qui alerta les témoins, eux aussi au nombre de trois, pendant les manœuvres de l’engin volant à Leroy, Kansas ».

Les deux descriptions du vaisseau volant sont pratiquement identiques : même taille, mêmes lumières. Tous les deux ont des passagers, 6 à Leroy et 5 à Peoria. Les témoins accourus sur les lieux armés de haches sont chaque fois impuissants à empêcher l’engin volant d’entraîner dans les airs sa victime bovine.

Le lendemain, des restes de l’animal enlevé sont retrouvés « dans des champs de terre molle où il n’y a aucune empreinte de pas ».

Le léger bourdonnement du vaisseau au Kansas contraste avec la musique d’accordéon qu’il distille en Illinois. W. Retoff fait remarquer que, très souvent, d’étranges mélodies ont été entendues émanant des machines volantes de la vague de 1897.

Finalement, ces similitudes concourent à faire penser qu’il s’agissait d’un seul et même engin opérant à 530 km de distance à environ un mois d’intervalle.

Comme le souligne W. Retoff : « Maintenant que les années ont passé, il serait vain de vouloir retrouver le clan Geisert. Le vagabond errant et la machine volante se sont fondus dans la nuit des temps. Peut-être d’autres récits similaires dorment-ils dans des morgues à journaux, cachés, attendant d’être exhumés ». Le seront-ils un jour ? »

Peu importe finalement puisque, pour des milliers de fermiers américains, les voleurs de bétail survolent chaque nuit leurs troupeaux tuant et mutilant affreusement leurs bovins et leurs chevaux...

l/ Disco Voador, 1979. Traduction en français par P. Delval et E. Banchs dans Ouranos N°29, 1980.
 2/ Il s’énonce en ces termes: « En Ufologie, toute loi une fois découverte et démontrée est aussitôt réfutée par les observations suivantes ».

3/ De Charles Hoy Fort, auteur du célèbre « Livre des Damnés » et qui, le premier, prit les scientifiques en flagrant délit de négligence vis-à-vis des faits dérangeants et rares.

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