jeudi 12 janvier 2017

Le mystère des « échos retardés »



Le mystère des « échos à long retard » (E.L.R.) apparut quasiment simultanément dès les premières expériences de transmission radio longue distance, dans les années 20 du siècle dernier.


Il est intéressant, selon moi, de les examiner comme des indices qui pourraient accréditer l’idée que des extraterrestres, autres êtres pensants que nous-mêmes vivant ailleurs dans l’univers, auraient tenté un jour, en les provoquant, de faire un test sur notre capacité d’intelligence. Histoire de détecter notre niveau intellectuel!

Hélas, il se pourrait bien que nous ayons été bel et bien recalés à l’examen.


C'est en juillet 1927 qu'un jeune radioamateur norvégien, Jorgen Hals, en essayant d'intercepter sur son poste à ondes courtes des messages en provenance d'une station radio hollandaise, signala qu'il enregistrait des « échos » inexplicables.

Professeur C. Strömer
 Aussitôt, il en parle au Professeur Carl Strömer (1874-1957), de l'Université de Oslo, qui vérifie le phénomène et s'étonne du fait que des signaux, émis les uns après les autres (toutes les 5 secondes dans le cas précis), même s'ils rebondissent sur un obstacle céleste, ne mettent pas toujours le même temps pour en revenir. Car, en effet, les « échos » ne sont pas réguliers et leur retard varie de 3 à 30 secondes.

Aucune explication d'échos classiques n'est satisfaisante, à moins de supposer que le miroir réfléchissant se situe entre 500 000 et 5 millions de kilomètres et se déplace entre ces bornes à une vitesse quasi infinie. A titre indicatif, une répercussion radio sur la Lune induit un écho décalé de 2,5 secondes.

De plus, les échos norvégiens qu'on corrobore en 1928 à Oslo, Londres et Eindhoven, ont une autre caractéristique absurde: ils ne s'atténuent pas avec le retard. C'est même le contraire qu'on constate.

B. Van Der Pol
Tous ces problèmes n'empêchent pas le Professeur C. Strömer et son collègue B. Van Der Pol (1889-1959) de publier la théorie lénifiante selon laquelle c'est un phénomène naturel qui crée les échos, à savoir des courants de particules chargées, soumis à l'influence du champ magnétique terrestre (?).
Et, bien qu'observés encore en 1929 par des Français en Indochine, lesquels constatent une cessation complète des E.L.R. durant une éclipse de Soleil et par O. G. Villard, de l'Université américaine Stanford en 1932, le mystère est oublié pendant plus de 30 ans.

Un break de trois décennies
Jusqu'en 1960, date à laquelle la question de la vie extra-terrestre devint d'une brûlante actualité avec le démarrage de la conquête spatiale.

C'est alors que l'illustre Professeur R.N. Bracewell (1921-2007), de Stanford, lui aussi, exhumant le rapport de Strömer sur les E.L.R., suggéra audacieusement que ce pouvait être une sonde interstellaire stationnaire présente quelque part dans le système solaire qui était responsable des échos. Elle aurait été mise là par une civilisation lointaine pour contrôler les signes d'intelligence sur la Terre.

Sans égard à la notoriété de son auteur, cette hypothèse ne souleva pas l'enthousiasme de la communauté scientifique. Il fallut qu'un Ecossais, Duncan Lunan, astronome (amateur ?) et écrivain de science-fiction (!), prenne l'idée de Bracewell au sérieux, qu'il affirme avoir décodé le message des E.L.R. et qu'il vienne exposer ses résultats devant les membres médusés de la Société Interplanétaire Britannique (BIS), pour secouer la somnolence des esprits.

L'interprétation du message était résumée en ces termes: « Je viens de l'Etoile Epsilon du Bouvier, à 103 années lumière de votre planète autour de laquelle je tourne depuis 13 000 ans. Répondez ! »

Malgré son côté exceptionnel - n'était ce pas l'annonce du premier contact avec une civilisation extra-terrestre ? - cette traduction du message des E.L.R., selon D. Lunan, parut « très convaincante » à beaucoup d'astronomes. C'est que D. Lunan avait fait un travail remarquable et ingénieux de décryptage à partir des séquences de retard des échos de 1928-29. Elles lui avaient permis de reconstituer la carte stellaire de la constellation du Bouvier.
Et il concluait que c'était de là que venait la sonde émettrice d'échos et qu'elle faisait partie d'une flottille d'engins similaires, envoyés vers « des soleils prometteurs », afin d'y chercher une preuve de vie et surtout un « nouvel habitat », la planète d'origine devenant inhospitalière du fait d'un soleil défaillant.

La proposition de Duncan Lunan (1) était de reproduire les séquences d'échos sur Terre « et la sonde, reconnaissant le code, se mettra à communiquer véritablement avec nous ». Il s'agissait ni plus ni moins que de répondre au S.O.S. d'une civilisation E.T. en détresse.

Plusieurs prétextes s'opposèrent à ce projet.

Tout d'abord, il n'est pas certain que la population terrienne aurait pris le risque de réagir à un tel appel au secours. Ensuite, parce que les données astronomiques de l’époque infirmèrent que la distance à la Terre d'Epsilon du Bouvier, pierre angulaire des diagrammes de Lunan, était bien de 103 années lumières. On trouva 203 ! Et aujourd’hui, on la situe à 209,75.

De plus, des chercheurs indépendants prenant pour bases d'autres séquences de E.L.R. trouvèrent, qui une carte de la constellation du Lion située à l'opposé du ciel (Ilyev), qui aucune carte céleste du tout (Lawton), ce qui redonna de la vigueur aux partisans de l'explication naturelle.

Et on en resta là. Le hasard avait bien servi le petit astronome écossais ou plutôt « trop d'imprécisions et de degrés de liberté », terme édulcoré pour dire qu'il s'était fourvoyé.

Et les E.L.R. étaient dus, comme on l'avait subodoré, à des ricochets sur des nuages de gaz fortement ionisés de la basse atmosphère qui se comportent comme de « gigantesques tubes ampli radio ».

Certaines mauvaises langues trouvèrent curieux, tout de même, que si les E.L.R. étaient si naturels que cela, on envoie copie du rapport final d'étude de Crawford/Sears & Bruce (2) à tout l'état-major des armées américaines et au ministère de la Défense nationale.

De toute façon, il n'y avait donc plus à s'étonner des E.L.R., même si 92 radioamateurs les mentionnèrent entre 1968 et 1971. Quant à la sonde, soit elle n'existait que dans l'imagination de Duncan Lunan, soit elle attend toujours notre réponse, croyant que la Terre est peuplée de créatures obtuses et myopes puisqu'elles regardent si loin en négligeant une évidence rapprochée (3).

Pour en savoir plus :

1/ Duncan Lunan, A l’écoute des galaxies, Les énigmes de l’Univers, Robert Laffont, 1976.

 A noter qu’un curriculum vitae de Duncan Alasdair Lunan datant de 2007 (lui-même est encore en vie étant né en 1945), qu’on peut trouver sur Internet, ne donne même pas la référence de ses écrits sur le message E.L.R. qu’il avait prétendu avoir décodé.

Il faudrait se procurer une « revisitation » de cette affaire qu’il a effectuée dans le numéro de mars 1998 de Analog Science Fiction and Fact, volume 118 n°3, titré : « Epsilon Boötis Revisited », ce que je m’apprête à faire à la date de la remise à jour de ce texte. Depuis, ce travail été effectué avec l’aide de D. A. Lunan lui-même et publié dans LE MONDE DE L’INCONNU de février-mars 2011 (n° 48). Cette revue est encore disponible à l’achat version papier sur http://www.zepresse.fr.

2/ F. W. Crawford, D. M. Sears, R. L. Bruce, « Possible observations and mechanism of very long delayed radio echoes », Journal of Geophysical. Research, section A = Space Physics, vol. 75, no. 34, pages 7326 à 7332, décembre 1970.

3/ Ce constat n’est-il pas applicable au phénomène ovni ?      



Publié in LE COURRIER DE SAÔNE & LOIRE DIMANCHE du 25 mai 1986.


Dernière remise à jour le 4 janvier 2010.

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